Réemploi & Architecture de demain
Jean Prouvé, première architecture du réemploi dans le modernisme
Il y a au moins une bonne raison de visiter Nancy cet été en plus de sa somptueuse place Stanislas, de l’architecture classique du centre-ville, de l’Art nouveau de Majorelle… c’est la maison de Nancy, construite en 1953-54 par le célèbre designer et architecte Jean Prouvé.
Fils d’un peintre ferronnier, qui fit partie de l’Ecole de Nancy et prit la présidence de ce mouvement Art nouveau, Jean Prouvé est devenu lui-même ferronnier après des stages dans plusieurs ateliers. Il n’a pu achever ses études à cause de la guerre de 1914-1918 et il a développé de ce fait des méthodes de travail non conventionnelles dans la production du mobilier, des accessoires de construction et des bâtiments eux-mêmes à partir de son expérience industrielle.
Légère mais bien isolée, la maison de Nancy est une sorte de première démonstration de réemploi de matériaux sans vraiment le revendiquer. Elle est un peu bricolée, d’un aspect hétérogène (mais sans importance ) et c’est l’association du bois au métal, l’assemblage naturel des éléments entre eux, qui en font une maison particulière où la considération des ressources disponibles est replacée en amont de la conception… nouveau paradigme du réemploi!
« MA MAISON DE NANCY EST QUELQUE CHOSE DE TRÈS PARTICULIER, RÉALISÉE AVEC LES ÉLÉMENTS RÉCUPÉRÉS DE MES ATELIERS »
La genèse
A l’origine, l’architecte poursuit une ambition de simplicité et de cohérence avec la géographie du terrain familial, sauvage, situé sur le flan d’une colline mais bénéficiant d’une très bonne exposition et d’une très belle vue. Jean Prouvé adapte son projet à son budget et décide de construire lui-même sa maison en réutilisant des éléments de son atelier devenu usine puis revendu (et dont il s'est fait écarter), des panneaux de façade en aluminium, une couverture avec des éléments coques enserrés de murs pignons en maçonnerie de pierre (cette solution sera abandonnée faut de moyens – il aurait fallu re-fabriquer, ce qui ne faisait pas partie du projet)
Le projet
L’adaptation au site sur un terrain jugé inconstructible, les difficultés d’accès au chantier, les contraintes budgétaires donnent ici tout leurs sens aux idées de Jean Prouvé, destinées à alléger le processus de construction et à revaloriser ce qui est déjà là. Cette maison de conception rigoureuse, juste, épurée, presque japonisante, ne prône pas pour autant ni l’austérité ni le « bric et le broc » (contrairement à ce que son concepteur disait). L’ingéniosité constructive participe à l’agrément des lieux, le corps s’y meut naturellement, hors des codes et des modes… « c’est une maison faite avec les restes »
La réalisation
Il utilise des panneaux Rousseau, conçus initialement pour les parois de silos à grain. Ces panneaux en bois, de grande longueur confèrent à l’ensemble une belle souplesse. Afin de donner du volume et d’ouvrir l’espace de séjour sur le sud, il fait subit aux panneaux une succession de courbes et contre-courbes. Certaines pièces sont dessinées par le designer comme les panneaux en aluminium à hublots ou la cheminé en ciment armé de forme arrondie avec un conduit métallique traversant l’espace. Le résultat n’offre pas d’émotions plastiques à proprement parler, mais la pénétration du sol naturel à l’intérieur, les étagères glissées entre les plaques métalliques de l’armature en font un espace de vie extrêmement agréable.
La destinée
La presse de l’époque publie cette maison atypique, imaginative et démonstrative pour les candidats à la maison individuelle économique. Cette construction se comprend comme un jalon important et inévitable de l’histoire de l’architecture du XXème siècle. C’est dans cette maison que Jean Prouvé s’est d’ailleurs éteint le 23 mars 1984. Aujourd’hui la maison a été classée « Monument historique » et est visitable par le public.
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Franck
L'Édito
A l'orée d'une nouvelle façon de penser, l'architecture se mue pour venir célébrer ce nouveau paradigme où l’humain est au centre.
L'architecture naît d'un besoin. Le besoin d'habiter, de vivre ensemble, d'échanger, de consommer, le besoin d'apprendre, de s'éveiller, de travailler. Et s'il est admis qu'elle doit être conforme aux attentes d'usage et de confort, le pavé des normes qu'il faut surmonter pour construire serait presque décourageant.
De notre point de vue, il est moteur de créativité. En atteste l’émergence de constructions conçues à partir de matériaux de réemploi. L’imaginaire est bel et bien vivant, il dépasse les frontières.
C’est cela que raconte ce blog.
Bonne lecture !